1. Le « recel » est l’une des infractions retenues pour l’inculpation de Madame Sylvia BONGO ONDIMBA le jeudi 28 septembre 2023, outre le blanchiment de capitaux, le faux et usage de faux, faits prévus et réprimés par les articles 116, 117, 312 et 380 du Code pénal gabonais.

Dans quelles circonstances l’inculpation pour recel peut-elle être retenue?

L’article 312 du Code pénal gabonais dispose que « Constitue le recel le fait de dissimuler, de détenir, ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit.

Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit.

Le coupable est puni des peines applicables aux faits qui auront procuré les choses recelées.

Ces peines sont encourues par les receleurs alors même que les auteurs principaux de l’infraction ne seraient pas punissables, en raison notamment des dispositions des articles 294 et 297 du présent Code.

Néanmoins, la peine de la réclusion criminelle à perpétuité encourue est substituée, à l’égard des receleurs par la peine de trente ans de réclusion criminelle au plus ».

Cette définition du recel révèle que, comme le blanchiment des capitaux, il s’agit d’une infraction de conséquence. C’est le simple fait d’être trouvé en possession d’une chose provenant d’un crime ou d’un délit qui constitue l’infraction de recel. Cela suppose donc que l’infraction primaire soit préalablement qualifiée.

Dans le communiqué du Procureur de la République informant le public des chefs d’inculpation de Madame Sylvia BONGO ONDIMBA, il est simplement dit qu’elle est poursuivie pour « recel », sans précision de l’infraction primaire dont le recel serait la conséquence.

2. On peut imaginer que le recel soit en rapport avec l’un des autres chefs d’inculpation énumérés, à savoir le blanchiment, le faux et usage de faux.

Or, selon une jurisprudence constante et ancienne de la Cour de cassation française, l’infraction de recel ne peut être retenue à l’égard de celui qui a commis l’infraction originaire dont provient la chose recelée[i].

Mieux, la jurisprudence portant sur l’infraction de recel et l’infraction d’origine interdit non seulement de cumuler les qualifications, mais également de retenir le recel, délit continu, à l’égard de l’auteur de l’infraction originaire lorsque cette dernière est prescrite[ii]. La Cour de cassation considère ainsi ces infractions comme exclusives l’une de l’autre, de sorte qu’elles se rattachent à la catégorie des infractions incompatibles[iii].

En conséquence, si les juridictions gabonaises devaient avoir la même interprétation que la Cour de cassation française, il est probable que l’infraction de recel ne soit liée ni au blanchiment de capitaux ni au produit des infractions de faux et usage de faux.

En revanche, rien n’interdit que le complice de l’auteur de l’infraction d’origine puisse être poursuivi pour recel, aussi bien que pour complicité, dès lors qu’il s’agit d’infractions dont les éléments constitutifs sont différents.

3. Par ailleurs, l’inculpation aussi bien pour recel que pour blanchiment de capitaux exige une certaine rigueur de l’autorité de poursuites dans l’établissement de ces deux infractions.

En effet, le blanchiment comme le recel peuvent être caractérisés par la détention d’un bien issu d’un crime ou d’un délit, de sorte que les mêmes faits pourraient recevoir les deux qualifications.

Ainsi, dans une affaire dans laquelle un prévenu avait été déclaré coupable de blanchiment pour le versement effectué sur son compte de fonds provenant d’une escroquerie commise par sa compagne, ayant servi à l’achat d’un bien immobilier, la Cour d’appel l’avait également déclaré coupable de recel pour le versement de ces sommes sur son compte. La Cour de cassation française casse cet arrêt au visa du principe « Ne bis in idem ».

Elle estime que ce principe implique que des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique, caractérisée par une seule intention coupable, ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes[iv].

Les juridictions du fond au Gabon vont-elles se désolidariser de la jurisprudence française ?


[i] Crim., 29 juin 1848, Bull. crim. 1848, n° 192 ; Crim., 2 décembre 1971, pourvoi n° 71-90.215.

[ii] Crim., 12 novembre 2015, pourvoi n° 14-83.073.

[iii] Crim., 13 avril 2022, pourvoi n° 19- 84.831.

[iv] Cass. crim., 25 oct. 2016, no 15-84552.

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