Le Gabon a connu récemment une annonce politique majeure avec la nomination de Monsieur Ndong Sima au poste de Premier ministre par le Président de la Transition. Ce choix, bien que surprenant, révèle des complexités juridiques et politiques qui méritent une analyse approfondie, en particulier en ce qui concerne le cadre constitutionnel actuel.

La Charte constitutionnelle de la Transition du Gabon qui a été promulguée le 2 septembre 2023, notamment dans son chapitre III relatif au gouvernement de transition, détaille dans ses articles 44 et 45 les modalités de nomination des membres du gouvernement. Ils sont choisis et placés sous l’autorité du Président de la Transition. Cependant, un détail majeur fait défaut : l’absence d’une mention spécifique concernant la désignation d’un Premier ministre.

Cette omission ouvre la porte à plusieurs interprétations:

  1. Lacune constitutionnelle ou liberté présidentielle?
    L’absence de mention explicite d’un Premier ministre pourrait être interprétée comme une latitude offerte au Président, lui permettant de prendre des initiatives jugées nécessaires pour la gestion du pays.
  2. Création d’un précédent :
    La désignation, si elle est acceptée sans contestation, pourrait établir un précédent. Cela signifierait qu’en l’absence de directives claires, le Président dispose d’une certaine marge de manœuvre.
  3. Risques de contestations :
    Il est inévitable que certains acteurs politiques, juristes ou citoyens perçoivent cette nomination comme non conforme au cadre juridique qui est imposé par la Charte constitutionnelle de la Transition du Gabon qui a été promulguée le 2 septembre 2023. Cela pourrait déclencher un débat national sur la légitimité de cette désignation.
  4. Réflexion sur le cadre juridique actuel :
    Cet événement pourrait stimuler un intérêt renouvelé pour la révision ou la clarification de la Charte constitutionnelle de la Transition du Gabon qui a été promulguée le 2 septembre 2023, évitant ainsi d’éventuelles ambiguïtés futures. A ce niveau, il convient de faire remarquer que cette Charte a été rédigée avec une extrême célérité. Dans ces conditions, il est pas étonnant que l’on constate des imprecisions ou des omissions dans ladite Charte.

Au-delà des débats juridiques, la décision de nommer un Premier ministre peut également être vue comme une nécessité pratique. Dans le contexte actuel du Gabon, partager la charge de la gouvernance pourrait être perçu comme un moyen de stabiliser davantage le pays pendant la période de transition.

En conclusion, la nomination de Monsieur Ndong Sima en tant que Premier ministre, bien qu’apparemment en désaccord avec le cadre constitutionnel imposé par la Charte constitutionnelle de la Transition du Gabon promulguée le 2 septembre 2023, souligne l’interaction complexe entre les textes de loi et la réalité politique. Seul l’avenir dira si cette décision renforcera la stabilité politique du Gabon ou si elle déclenchera des débats constitutionnels plus larges.

Maitre Jean Marc ESSONO NGUEMA
avocat à la cour
Docteur en droit public

2 commentaires sur “Gabon : Désignation “inattendue” d’un Premier ministre – Quand la pratique bouscule le cadre constitutionnel

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