Résumé : les dispositions des premier et troisième alinéas du paragraphe II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 relative à la légalisation des actes publics étrangers sont déclarées contraires à la Constitution. Toutefois, leur abrogation n’interviendra qu’à compter du 31 décembre 2022. 

Rappel historique

L’ordonnance royale d’août 1681, posant l’exigence de légalisation des actes publics étrangers sauf convention internationale contraire, a été abrogée par erreur par une ordonnance de 2006 (Ord. n° 2006-460, 21 avr. 2006).

Malgré cette abrogation, la Cour de cassation jugeait que cette formalité demeurait obligatoire, au visa de la « coutume internationale » (Cass. 1re civ., 4 juin 2009, n° 08-13.541). Dans ses rapports annuels, la Cour de cassation demandait régulièrement au législateur d’affirmer le principe d’obligation de légalisation des actes de l’état civil étrangers.

C’est ainsi que la loi dit “Belloubet” du 23 mars 2019 a rétabli cette exigence et prévoit que « Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. » (L. n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 16, II, al. 1er et 3). Le décret n° 2020-1370 du 10 novembre mars 2020 précise les actes publics concernés par cette obligation et fixe les modalités de la légalisation.

Dispositions contestées

Le paragraphe II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit que :

« Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet.

La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu.

Un décret en Conseil d’État précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ».

Problématique

D’une part, en vertu de la jurisprudence du Conseil d’État, le juge administratif ne se reconnaît pas compétent pour apprécier la légalité d’une décision de refus de légalisation d’un acte de l’état civil (cf. par exemple : CE, 3 déc. 2021, n° 448305).

D’autre part, ni les dispositions de la loi contestées ni aucune autre disposition législative ne permettent aux personnes intéressées de contester une telle décision devant le juge judiciaire.

Par suite, les personnes intéressées ne disposent d’aucune voie de recours contre une décision de refus de légalisation.

Déclaration d’inconstitutionnalité

Au regard des conséquences qu’est susceptible d’entraîner une décision de refus de légalisation, le Conseil constitutionnel estime qu’il appartenait au législateur d’instaurer une voie de recours.

Par suite, le Conseil constitutionnel juge que dispositions contestées sont entachées d’incompétence négative dans des conditions qui portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif.

Par conséquent, les premier et troisième alinéas du paragraphe II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice sont déclarés contraires à la Constitution.

L’abrogation de ces dispositions est-elle immédiate ?

Non. Le Conseil constitutionnel estime que l’abrogation immédiate de ces dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il reporte la date de leur abrogation au 31 décembre 2022.

Recommandation du RIAG :

Dans l’attente de l’abrogation effective des dispositions précitées ou de l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi, il est possible, dans le cadre de la contestation d’une décision de refus de légalisation ou lorsqu’une telle légalisation n’a pas pu être sollicitée, de soulever la contrariété de la loi du 23 mars 2019 avec une des nombreuses conventions internationales garantissant le droit au recours.

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